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jeudi 11 août 2011

SF maniérée versus SF de progrès : SCHACHNER

Le hasard a mis en mes mains deux livres concurrents : à ma droite, le premier est publié chez un grand éditeur français de Science-fiction, il est moderne, il est français et il a une jolie couverture, à ma gauche, l'autre est un recueil hétéroclite, d'un auteur américain oublié, publié il y a presque 40 ans chez J'ai Lu, et il n'est ni très beau ni de première fraîcheur.
  Le premier, dont je ne désire citer ni le titre, ni l'auteur, ni l'éditeur, me semble révélateur d'une tendance de la S.F. française : atteinte de maniérisme, reposant sur un style élaboré, savante et au fond, très insatisfaisante. Donc, un style très chamarré, et une haute complexité dans la présentation.
 La narration, l'histoire pour faire simple, est pauvre, mais elle est décomposée en cinq histoires parallèles, suivant chacune un personnage, l'auteur a attribué un présent de narration à l'une d'elles... L'histoire, cachée par cette forêt, me semble pauvre : le narrateur est fasciné, et cela sert de cache-histoire. La fascination a commencé aux alentours de la page 10 et le narrateur trahit les siens pour assouvir cette fascination. Je m'ennuie : j'aime bien quand il y a des faits qui s'enchaînent, des possibilités multiples, un suspens... La S-F, c'est un peu populaire, quand même !
  Le propos : l'auteur a curieusement choisi un pays, qui a su prouver la vitalité de sa démocratie. Dans un futur lointain, ce pays est écartelé entre deux possibilités : 1. la dictature militaire et 2. la dictature des voleurs, l'aspiration démocratique est écartée comme obsolète, facile à corrompre, vieillote et d'ailleurs, dénuée de toute technologie. En face, les dictateurs et leurs séïdes sont bardés de neuro-machines, de super-ordinateurs, de senseurs urbains omni-présents :  militaires ou voleurs, ils ont du charme, ils sont violents et fascinés par leurs propres rituels de gangs... on a la sensation de lire l'apologie des gangs et des régimes régressifs et ça me provoque non pas une identification, mais un rejet.
Passons au second ouvrage* : il s'agit de « L'homme dissocié » de Nat Schachner. Il n'a écrit qu'un roman non traduit dans les années trente, mais il a écrit une centaine de nouvelles de science-fiction, un peu par hasard, de 1933 à 1941, publiées dans les Pulp avant de se tourner vers le récit historique (centré autour de portraits de pères fondateurs de la démocratie américaine, notons-le bien, ce n'est pas un hasard). Ses nouvelles sont d'une immense clarté, le style est simple, quasi naïf (Bêbête diraient des contempteurs de la S-F française), ses nouvelles sont haletantes, car l'homme sait ménager un suspens, ouvrir plusieurs voies à sa narration et laisser marner le lecteur avant de lui dire laquelle il va choisir (et ce n'est pas un hasard si un des grands fans de Nat Schachner s'appelle Isaac Asimov).
  Quant au propos, nous avons là affaire à un humaniste, qui réfléchit sur le racisme et sur le facisme et ses dérives en 1933, et ça, depuis les U.S.A. Chapeau ! Bravo à l'éditeur, un certain Jacques SADOUL, de longue mémoire. Pour Nat Schachner, la science-fiction est aspiration au progrès, à la réflexion et à la beauté : vive Nat Schachner !
* on le trouve à 90 cent sur les sites de vente en ligne...

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