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vendredi 11 novembre 2011

La bataille de Viombois : ou qu'est-ce qu'un héros ?

  En 2007, un copain m'appelle pour un tournage « à l'arrache », sur la Résistance dans les Vosges, une histoire sur laquelle nous avions travaillé ensemble dix ans auparavant.
 Entretemps, j'avais quitté Paris, intégré une société de télévision régionale en tant que cadreur. Je vous la fais courte : ma vie de cameraman était pour moi finie oubliée, et pour tout dire, elle me dégoûtait. Alors je lui ai dit non.
  Le copain — il s'appelle Christophe Lagrange — me rappelle. Son producteur, Jean-Pierre Claude, avec qui j'avais eu une fâcherie à l'époque, lui avait dit : Il n'y a que Bernard qui saura te faire ça, Christophe insiste : Seulement trois jours. Il a une petite caméra, ça colle avec la fin de mes vacances... Trois jours pas plus ! 
Nous filmons la cérémonie à la ferme de Viombois, du nom de la ferme où s'étaient agglutinés 700 jeunes gens. Un monument austère avec une croix de Lorraine domine le lieu. Je n'avais jamais entendu un Appel aux morts, ça me fout des frissons : « — Capitaine Barraud. — Mort pour la France — ... ». On interviewe Jean-Marie Aubry, un ancien, quelqu'un d'une grande force humaine et il m'émeut. On filme des témoignages, beaucoup d'enfants de ces résistants, quelques anciens, et je suis saisi. C'est étrange, une bataille gagnée par la Résistance contre les allemands, dont on n'a  jamais entendu parler, et gagnée au prix de centaines de morts.
  Au retour, je discute avec Christophe, émettant des critiques : ça manque de témoignages de première main, il manque des historiens, les témoignages sont confus, il y a des faits à éclaircir, il faut enquêter, débroussailler, poser des questions différentes, dresser un plan de bataille : je lui propose un axe de scénario.
 Un mois plus tard, Christophe me rappelle : il a trouvé des résistants, des femmes de résistants, des membres de commando anglais, obtenu l'accord de Marc Ferro... Il est d'accord pour mon axe de scénario. Je prends des vacances et je n'en parle à personne.
 Ça fait quatre ans que je travaille : cameraman, intervieweur de complément, Christophe me laisse participer à son travail, amener mon grain de sel comme on dit, ce qui est exceptionnel pour un réalisateur, puis il me demande d'écrire des textes, en tant qu'écrivain.
 De son côté, Christophe écrit, démarche, réalise, prépare, travaille, monte, mixe, un long travail solitaire, ardu, avec des gens qui ne comprennent pas que le film « n'avance pas ». Parfois il me demande un texte de toute urgence. L'année suivante, nous réalisons une nouvelle semaine de tournage, des dizaines de témoignages enregistrés, des heures de rushes, des textes à réécrire et de longues communications téléphoniques... Que c'est difficile et que c'est doux de travailler sur un film.
  Un Noël, celui qui avait impulsé ce projet, Jean-Pierre Claude, décéde, il faut continuer sans lui, et avec lui... Le documentaire vient de sortir, il fait cinquante-deux minutes et il s'intitule :

... Ou comment des résistants, sans armes, sans expérience pour la plupart, lâchés par leur encadrement, riches de leur patriotisme, se sont battus contre deux mille soldats allemands et les ont fait reculer. La force de se battre.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ca donne vraiment envie de le voir le film, votre film.
Mais on fait comment ?
Denis