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jeudi 4 octobre 2012

Les Razzies de Bifrost ont-ils un sens ?

 Dans la science-fiction, il y a le Fandom, peuple mouvant de lecteurs, de passionnés, de critiques, à l'affût de la nouveauté, prompt à réagir et les acteurs littéraires : éditeurs, lecteurs, auteurs, traducteurs... et le malaise : ce qui fut leur bonheur, est en passe de devenir un genre mineur, dépassé par ses avatars nombreux : fantasy, bit-lit, renouveau du fantastique, uchronies.... Personne ne mourra de ce malaise, pourtant, notre petit peuple se désole que leurs belles œuvres trouvent de moins en moins de lecteurs... Qu'est-ce qui va de travers ? D'où vient le malaise dans la science-fiction se demandait déjà Gérard Klein en 1977 ? Car il y a un malaise qui ne fait que croître depuis trente ans...
Tous les ans, un petit groupe se singularise au travers d'une spécialité importée du cinéma, les Razzies attribués par la revue Bifrost. Selon eux, la science-fiction serait damnée par ses mauvais littérateurs. Tous les ans, ils désignent à la vindicte les responsables de la crise : nulle Invective et nul Lazzi ne sont assez fort pour cette chasse aux médiocres.
En décernant les prix du Pire, le petit jeu des Razzies s'apparente au jeu du maillon faible. Leur humeur se veut décontractée et cynique, mais les organisateurs sentent bien que le jeu serait sinistre s'ils se prenaient au sérieux, aussi prennent-ils soin de mettre en avant leur sens de l'humour : ils se nomment eux-mêmes parmi les candidats aux Razzies. Leur jeu, comme le maillon faible, se nourrit essentiellement de la participation d'autrui. Et de décerner aux revues, éditeurs, auteurs, traducteurs, le prix du plus mauvais du pire de l'année.
1°) « Tout ça, c'est du second degré, tu n'y comprends rien. » Les razziés que j'ai pu rencontrer ne trouvaient pas ça drôle... donc on peut émettre un doute sur un sens de l'humour qui ne s'exercerait qu'aux dépens d'autrui.
2°) La drôlerie affichée de l'exercice n'est peut-être qu'une grimace, un masque derrière lequel se cachent les jurés, quelle est la douleur intenable qui pousse à détruire les siens ? Pour le participant, il y a un délicieux frisson d'interdit à ce jeu pervers (au sens littéral : qui renverse la notion d'Excellence par celle du Pire). La douleur personnelle fait qu'on ne résiste pas à la fascination de projeter cette douleur autour de soi, de jeter la pierre sur le coupable désigné : il y a de l'aveu d'impuissance dans cette dérision, il y a de la douleur à désigner un bouc émissaire : la honte de la science-fiction, c'est telle personne.
3°) L'orgueil des jurés est sans doute à l'image d'un blocage qui est également idéologique : des gens certains de leur supériorité, prétendant détenir la vérité littéraire, loups dominant des moutons, etc mais il est aussi à l'image de leur impuissance à soigner le mal dont ils se veulent les prêtres.
 En relisant le Bouc émissaire de René Girard, il est facile de s'apercevoir que tous les éléments réunis par René Girard pour caractériser ce phénomène sont en place : une crise, celle de la science-fiction, micro-phénomène, mais intensément important pour le Fandom, un groupe se ligue pour désigner à la vindicte les boucs émissaires qui font aller de travers la Science-fiction : par la suite, on leur règle leur compte.
 D'où le sens implicite des Razzies : « La crise de la science-fiction, c'est la nullité de tel écrivain ! Qu'on lui règle son compte ! »
 L'important est désigner le fauteur du mal et de le liquider, symboliquement, en lui attribuant le prix qui tue. L'effet, la mort symbolique, est censé calmer une population de fans dévorée par le doute et le malaise de la littérature... 
                        Tous ces coupeurs de natt's m'ont pris pour un 
                        Suspect, dit Georges Brassens,
                        Je ne mérite guère,
                        J'ai pas la Croix d'honneur, 
                        J'ai pas la croix de guerre,
                        Et je n'en souffre pas avec trop de rigueur,
 Alors, les Razzies sont-ils un mal nécessaire ? Sans doute révèlent-ils le malaise qui règne dans la science-fiction. En désignant un bouc émissaire, en concentrant sur un coupable désigné le malaise de la SF, les « razzeurs » se trompent de combat. Ils portent, comme tout un chacun, ce mal qui nous dévore : être capable de faire rêver... et en littérature, c'est parfois le combat d'une vie. Et Brassens de conclure : « J'ai ma rosette à moi, c'est un accroche-cœur. » (Paroles de LA TONDUE)

Référence sur les Razzies : les humeurs de Svetambre
Seconde référence sur les Razzies : Mondesf, le blog de Georges



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