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jeudi 3 janvier 2013

« Vous sortez de mes cadres ! » (parole d'expert)

« Vous sortez de mes cadres »  a dit un jour un médecin, à mon père qui était venu le consulter pour son asthme. Agé de 73 ans, mon père souffrait d'asthme depuis sa jeunesse.
 Il avait été soigné par périodes, notamment avec la fondation Rotschild, près des Buttes-Chaumont à Paris. Depuis dix ans, il avait un regain d'asthme et ses crises étaient assez graves pour provoquer son hospitalisation. Son médecin généraliste l'avait donc envoyé consulter le spécialiste régional de l'asthme. Celui-ci lui avait prescrit un traitement, puis un autre, un troisième... L'état de mon père ne s'était pas s'amélioré, pire, il s'était aggravé au point que le grand spécialiste, excédé, avait fini par lui « dire son fait » :
Vous sortez de mes cadres.
 Ah ! La belle phrase !! Ah, le dédain de l'homme en bonne santé, face au malade ! Ah  la maladie qui ose résister à l'omniscience ! Quelle jolie cruauté : « Si je n'y suis pas arrivé à vous soigner, qui y parviendra ? » Quel raffinement dans l'indifférence : « Sachez, monsieur, que je ne peux rien contre l'hypocondrie. » ! Il m'a fallu des jours pour convaincre mon père que ce n'était pas un diagnostic, et que ce rebut de la pensée était sans valeur : merdique, pour être précisMon père, qui déprimait, a dû à son tour convaincre son généraliste car la fondation exigeait que le patient lui soit recommandé par le médecin généraliste...
 Un jour, mon père est venu à Paris. Ce matin là, je me souviens que nous avons dû chercher un taxi, et que je me suis retrouvé à traîner mon père, hors d'haleine au bout de dix pas... Vingt minutes pour faire deux cent mètres, je me suis dit que son état était grave... A la fondation, un médecin l'a reçu, examiné, lui a fait passer des test et lui a dit d'un ton rude, mais pas froid : « C'est les formes que prennent l'asthme chez les personnes âgées. ». Au sortir de la fondation, nous sommes allés au restaurant, moral en berne, et, en lieu et place de la demi-bouteille de Pouilly Fumé que nous avions commandée, la serveuse nous a donné une bouteille entière avec le droit de n'en boire que la moitié. Nous l'avons bue sans peine...
 Mon père a été soigné, très bien soigné, même, il s'est remis à marcher, à bouger, à vivre normalement, son généraliste s'est répandu en louanges sur la fondation Rotschild, son sérieux, son écoute du malade et son respect des médecins... 



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