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jeudi 28 mars 2013

Cédric Villani (Ciel et Espace, mars 2013)

 Je prends la liberté de citer Ciel & Espace de mars 2013, si vous ne l'avez pas lu, courez vite vous procurer le numéro de mars. L'interview de Cédric Villani est d'une grande intelligence, elle a le mérite d'éclairer la lanterne des pauvres lecteurs, et de proposer aux astronomes une remise en ordre vigoureuse de leurs théories :
[...] C&E : L'astronomie vous intéresse, mais vous n'hésitez pas à lui lancer quelques piques. 
C.V. : Un peu, oui. En astronomie, on est souvent dans l'inconnu. On comprend très peu de choses. Mais les astrophysiciens ont une imagination débordante ! Comme ils ne peuvent pas faire d'expérience, ils peuvent à peu près inventer tout ce qu'ils veulent. La matière noire et l'énergie sombre, par exemple... Personnellement, je n'y crois pas. Jusqu'à preuve du contraire, ce sont simplement des constats de « non-compréhension ». La théorie qui décrit l'évolution de l'Univers flanche, c'est un fait, mais a-t-on vraiment besoin d'énergie sombre et de matière noire ?
J'ai des collègues plus virulents encore. Pour eux, l'astrophysique est le seul domaine où l'on transforme en découvertes scientifiques de simples constats d'erreur : « Mince, ma théorie ne fonctionne pas, on dirait qu'il manque de la masse. Bon, c'est parce qu'il y a une nouvelle particule en plus. Je ne sais pas ce que c'est, mais je vais l'appeler matière noire. » Et c'est quoi la matière noire ? « Ce qui explique qu'il manque de la masse. » On tourne en rond, là ! En plus, il y a ce problème de biais : la matière noire n'est pas exactement concentrée là où est la matière visible, elle forme un halo, mais pas complètement... Bref, on peut dire ce que l'on veut.
C&E : En ajoutant des ingrédients à leur recette de l'Univers, les astrophysiciens feraient donc preuve de flemme intellectuelle ?
C.V. : Non, ce n'est pas de la flemme. Il y a un grand travail derrière tout ça. Simplement, l'imagination prend le pas sur la cohérence. Il y a un vrai problème de réflexion sur les modèles, sur leur construction, la simplicité. Bref, sur ce que l'on veut faire. Comme disait Poincaré, la science, ce n'est pas un empilement de concepts, c'est une construction [in La Science et l'hypothèse] Il faut construire sa maison en prenant le temps de réfléchir, pour qu'elle tienne bien, pour que son architecture soit élégante. Si on ajoute un concept à chaque fois qu'on a un problème, on est mal parti... Il y a tellement d'inconnues lorsqu'on parle de l'Univers
[...] Il ne s'agit pas de mettre des problèmes de côté. En science, il faut se colleter avec des problèmes difficiles. Mais il faut avoir un peu de recul. Ne pas présenter les choses avec trop de certitudes. Il est parfaitement légitime de parler d'énergie sombre et de matière noire tant qu'on livre ça comme des hypothèses, avec des limitations, des points d'interrogation...
Le texte et les photos sont repris du numéro de Mars 2013 de Ciel & Espace.

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