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jeudi 16 juin 2016

Loin de tous rivages (Jean-Claude IZZO)

V



   Midi, encore.
   Pierres brûlées, à nouveau. L'ombre se meurt.
  L'ombre, sous ma langue, ne sait plus les mots et dans ma bouche, la brûlure de ne plus savoir dire, de ne plus savoir.
   Le temps prends le corps de l'argile.
   Le silence se tisse par transparence et épaisseur.
   Pierres, et pierres. Ruines.
   Mon pays, c'est l'histoire et toutes les histoires, et l'Histoire en ruines, pierres et cailloux, défile sous mes yeux.
   Païs, saurai-je un jour où ton midi trouve son feu ?

   Et les heures au cadran, taillé de main d'hommes, me saluent de leur mépris.
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IV
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 Peut-être suis-je las. De n'attendre rien. À peine immobile, tel un cyprès. Sur l'oubli, je veille. Et la mort s'interroge.
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 Je me refais une mémoire avec ces riens que sont chardons et pierres. La lumière aussi profonde que l'eau me rend l'avenir impossible. Je sais tout de ce qui brûle ou désaltère. Mais seuls, sans doute, les contraires cimentent l'aujourd'hui, ces insaisissables heures vers lesquelles mes doigts se tendent.
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 Midi : il m'a semblé être prêt pour rebâtir la lumière. D'espoirs et d'angoisses. Et le voulant ma langue s'agite en son lieu de silence : lèvres humides entre lesquelles les mots se façonnent, passent et désespèrent. 
Cri : et les pierres d'un poids insoupçonnable.
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LOIN DE TOUS RIVAGES (1997)
Jean Claude IZZO (1945-2000) se confond pour moi avec sa trilogie marseillaise, autour de Fabio Montale, et c'est une lumineuse surprise que de découvrir qu'il était avant tout poète... Loins de tous rivages, réédité chez Librio, fut publié aux éditions du Ricochet. Les illustrations sont de Jacques Ferrandez.



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