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mardi 5 juillet 2016

Auteur ou syndicaliste : où est la différence ?

Auteur, écrivain, romancier : quel que soit le titre que j’accroche à ma boutonnière, aucun ne convainc. Les artistes ont un statut à part, mais l’écrivain n’est pas, n’a jamais été et ne sera sans doute jamais un artiste. Ni un intermittent du spectacle, ni un érudit (les érudits aiment à regarder depuis leur hauteur les auteurs qui sont trop nombreux, tout le monde vous le dira).
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Le poète, parfois, mais le romancier, non. Ce type qui prétend maîtriser le langage et qui l’a en général appris à son corps défendant, du moins en France, n’a pour seul horizon que d’œuvrer, tâcheron qui remet cent fois son ouvrage sur le métier, qui s’accroche à sa cafetière comme un naufragé à une poutre. Pendant longtemps, j’ai eu aussi le cendrier débordant. Une amie que j’avais hébergée m’a dit, un soir où j’avais réécrit un scénario en guise de « distraction » : « Tu te serais vu fumer ! Tu allumais clope sur clope ! » Et c’est vrai que, lorsque j’émergeai de ces séances d’écriture harassantes, je constatai le cendrier qui tanguait sous une mer de cendres un peu ébahi : ça n’était pas possible que j’ai fumé tout ça.
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Un auteur, un vrai, le plus courant, est quelqu’un qui ne vit pas de ses droits d’auteur, qui s’accroche à son travail et qui consacre le reste de son temps, ce que d’autres appellent leurs « loisirs » à cette chose que lui sait être une passion, quelque chose qui vous fait souffrir mais qu’on aime d’un amour assez profond pour en accepter la peine. Mais la plupart des gens me disent que j'en fais trop, et que ce n'est qu'un hobby, fort léger au demeurant (surtout de la part des gens qui ne lisent pas, et pour qui l'écriture est un loisir vraiment futile) et que l'écriture ne peut pas m'être d'une telle valeur.
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Un syndicaliste est une personne louche : quelle que soit la fonction que j’accroche à ma boutonnière, elle ne convainc pas. Si j’aimais vraiment mon métier, tout le monde vous le dira, je ne me mêlerais pas de ce qui ne regarde que ma direction. En tant que syndicaliste, je ne suis pas, n’ai jamais été et ne serai sans doute jamais « honnête » : ni pour la direction, ni pour les collègues. Trop engagé pour les uns, pas assez pour les autres.
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 Le militant politique, oui, là où je travaille, il y en a quelques uns, principalement à la rédaction et ils accumulent du respect pour les théories qu'ils défendent. Mais le petit syndicaliste ? Celui  qui pense que l’essentiel est de militer là où il se trouve, qui n’a pour seul horizon que de servir ses collègues, peut-il sincèrement tenir un objectif aussi petit ? Comment être sincère sans discours grandiloquent ?
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Dans le temps, être rouge échauffait les sangs, et donnait soif : les rouges buvaient blanc sur rouge et rouge sur blanc sans faire de manières. Je ne bois plus depuis longtemps, et je n’ai jamais aimé me saouler au travail. Le vrai syndicaliste devient ce qu’on appelle dans notre jargon syndical un « politique », à ne pas confondre avec les politiques ci-dessus : il y a politique et « politique », c'est-à-dire quelqu’un qui accumule des mandats, délégué du personnel, représentant au Comité d'Entreprise ou conseiller aux Prud’hommes, mandats qui souvent finissent par prendre le pas sur le métier initial.
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 Mais, aujourd'hui, alors que nous sommes en fin d'un conflit douloureux, le syndicaliste est donc celui dont tout le monde attend : va-t-il va faire grève ? Si je fais grève, il arrive que ce refus de travail parvienne à gripper toute la station : dans ce cas là, je suis ce privilégié égoïste qui profite de sa minorité bloquante pour empêcher à lui seul, cent vingt-huit honnêtes travailleurs de faire leur métier, enfin, ça, c’est ce que disent les cadres de la rédaction et de la technique.
 Et puis il y a tous ces gens engagés qui ne donnent pas un centime à personne et qui ne s'engagent dans rien, gens de gauche qui attendent que je fasse grève, car je les soulagerais de cette envie de faire grève qui les démange, qui les torture, mais ils ne peuvent pas, eux, car ils sont, eux, des travailleurs sérieux, des travailleurs modestes, et ils ont le devoir de poursuivre leur carrière, eux ! 
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Ni écrivain, ni syndicaliste, à peine cameraman, je n'ai rien à accrocher à ma boutonnière et n'en ai ni dépit ni peine. Juste le type qui nourrit la chatte qu'il a adoptée l'an passé ! —, qui change sa litière tous les jours, et qui se fait engueuler à son retour parce qu'il l'a laissée seule tout le jour.
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