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mercredi 28 mars 2012

L'éveil du désir

  Les cinéastes de mon enfance... non : adolescence, s'appelaient : Buñuel, Fellini, Bergman, Antonioni... Ils parlaient d'amour, de la découverte de la sexualité, de son émerveillement avec sa beauté, sa cruauté aussi et l'ouverture au monde, L'avventura — simple amourette d'une jeune femme pour un homme au départ — devient un appel,  l'Aventure majuscule, celle qui lance les hommes dans celle de leur vie.
 Godard attribue cette phrase à André Bazin, et un autre la rapporterait plutôt à un autre critique, Michel Mourlet : « Le cinéma est un regard qui se substitue au nôtre pour nous donner un monde accordé à nos désirs »... Bazin qui avait baptisé un de ses livres : « Le cinéma de la cruauté »... Désir, cruauté, sentiment, et découverte d'une sensualité qui avait besoin de se débrider d'un carcan de moralité et de s'exprimer dans une certaine... innocence.
Il est remarquable de penser que Wenders seconda Antonioni pour son dernier film :  « Identification d'une femme » et que Antonioni, vieux, aphasique, diminué par la maladie révéla une puissance sensuelle à filmer le désir et le corps féminin qui stupéfia le moderne, mais pudibond, (quasi anglo-saxon ?:-) Wenders...
  Aujourd'hui, cette problématique a été retournée : dans la libération sexuelle, je n'entends plus parler que des pervers qui se sont insinués dans les rangs de cette libération, du Sida qui est venu contaminer la libération homosexuelle, des pédophiles dissimulés dans des institutions pour enfants, de Natascha Kampusch et de son calvaire, enfermée pendant huit ans... Alors,  sexualité, sensualité, désir d'amour quotidien des humains, tout cela disparaît, submergé par une avalanche de violence.
  Et d'ailleurs, tant le cinéma que la télévision ne nous donnent à voir, au mieux, que des amours adolescentes condamnées par leur niaiserie (La guerre des étoiles, épisode 2, pour prendre un exemple célèbre). L'amour n'existe que comme une beuverie dont on se réveille, un jour, avec une énorme gueule de bois, et un enfant, pour N. Portman...
 Aujourd'hui, nos fictions sont régressives, elles parlent de violence, elles traquent le violeur, elles arrêtent les pervers, je peux voir en ouverture d'une série un cadavre verdâtre parsemé de vers blancs, nageant dans des chairs en décomposition, avoir un haut-le-cœur, rarement la mise en scène de la violence n'a atteint un tel degré. Dans cet univers, le désir, c'est le viol, la sensualité, c'est le pervers qui s'en prend à plus faible que lui, et le sexe, la pornographie. Quant au baiser, on hésite à dire si c'est un archaïsme ou une perversion infantile d'un enfant qui rêve (encore !) de têter le sein de sa mère...
 D'ailleurs, les institutions militantes sont là, avec leurs ligues de vertu pour châtrer celui qui parle de désir, de libérer la sensualité et pour réduire dans un ghetto moral de violence et de puritanisme les humains... Telle n'est pas ma conception du progrès. La libération des années soixante est devenue un arme de dénonciations outrancières et une morale étroite. Celui qui désire échapper à ce carcan risque fort de devenir un bouc émissaire...
  J'en appelle à un monde qui cherche l'amour, qui éveille le désir et qui soit capable d'en parler et de le faire, sans avoir à s'épancher sur les pervers, les pédophiles et la prostitution. L'amour, la sexualité, le besoin de sexe, le besoin de tendresse, de sensualité sont suffisamment simples et  complexes pour n'être pas réduit à des caricatures...
  Ainsi, dans le film de Bunuel, où, à la fin, l'héroïne, Viridiana, renonçant un soir à ses vertueux préceptes religieux, passe une belle chemise, coiffe ses cheveux blonds et rejoint son beau cousin qui joue au carte avec sa servante (et maîtresse). Celui-ci, qui la courtise depuis le début, l'accueille avec cette phrase pleine de promesses : « J'ai toujours pensé que nous ferions ensemble une petite belote... » Mais de quoi parle-t-il donc si ce n'est pas de carte ? Et pourquoi notre monde ne serait-il pas capable d'oublier que les libératrices d'hier sont devenues des dames patronnesse ? De se libérer de la morale puritaine ? Et d'aimer ? 

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