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dimanche 24 octobre 2021

Âme, te souvient-il, au fond du paradis... (Verlaine)

      Âme, te souvient-il, au fond du paradis,
      De la gare d’Auteuil et des trains de jadis
      T’amenant chaque jour, venus de La Chapelle ?
      Jadis déjà ! Combien pourtant je me rappelle
      Mes stations au bas du rapide escalier
      Dans l’attente de toi, sans pouvoir oublier
      Ta grâce en descendant les marches, mince et leste
      Comme un ange le long de l’échelle céleste,
      Ton sourire amical ensemble et filial,
      Ton serrement de main cordial et loyal,
      Ni tes yeux d’innocent, doux mais vifs, clairs et sombres,
      Qui m’allaient droit au cœur et pénétraient mes ombres.
      Après les premiers mots de bonjour et d’accueil,
      Mon vieux bras dans le tien, nous quittions cet Auteuil
      Et, sous les arbres pleins d’une gente musique,
      Notre entretien était souvent métaphysique.
      Ô tes forts arguments, ta foi du charbonnier !
      Non sans quelque tendance, ô si franche ! à nier,
      Mais si vite quittée au premier pas du doute !
      Et puis nous rentrions, plus que lents, par la route
      Un peu des écoliers, chez moi, chez nous plutôt,
      Y déjeuner de rien, fumailler vite et tôt,
      Et dépêcher longtemps une vague besogne.
      Mon pauvre enfant, ta voix dans le Bois de Boulogne !

Paul Verlaine

Une circonstance particulière – une traduction dont je relis les épreuves – m'a mis en présence de ce poème de Verlaine que je ne connaissais pas. Qui plus est, cité par une autrice dont je connaissais déjà l'excellente culture française. Une recherche rapide permet de savoir qu'il fait partie d'un ensemble de poèmes dédiés à la mémoire de Lucien Létinois, un amour de Paul Verlaine, qui allait l'attendre tous les soirs à la gare d'Auteuil avant de rejoindre ensemble leur logement à Boulogne

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