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jeudi 26 avril 2012

Auteurs faussaires ?

 Selon certaines voix autorisées, pleines de pénétration, la grande poétesse Louise Labé ne serait qu'une manipulation, un mensonge, une personne imaginaire élaborée par un groupe de poètes autour de Maurice Scève. La véritable Louise Labé aurait été une prostituée : une femme qui vend son corps, inculte, analphabète de surcroît. Depuis quand les femmes savent-elles lire ? Depuis quand prétendent-elles  écrire de la poésie ? Nul ne veut admettre qu'une épouse, oisive, pour tromper l'ennui se serve des mots qu'elle avait appris dans son enfance et ose une licence sensuelle capable de faire rougir...

 Dans l'antiquité, le génial Esope n'aurait lui aussi été qu'une fable ! Imaginez-vous un esclave plus intelligent que ses maîtres ? Ses maîtres auraient inventé le concept « d'esclave intelligent » (de l'humour), et le maître recevant des ambassadeurs étrangers de leur raconter des fables qu'un de ses esclaves, bossu, et laid de surcroît, aurait inventées... Depuis quand les bossus ont-ils de l'esprit ? Et le maître de cacher son talent sous une ingénieuse invention...

Shakespeare ensuite, un homme du peuple, capable d'écrire, capable de mener la poésie anglaise vers des sommets que nul n'a plus jamais atteint, capable de prendre une légende italienne secondaire et d'en tirer une œuvre aussi immortelle que Roméo ou Juliette, de donner des frissons à des millions de terriens regardant le Roi Lear ? Les dénicheurs de complots lui accordent généreusement le statut de prête-nom pour le comte d'Oxford, plus noble qu'un homme du peuple, mauvais comédien, inculte, tout juste capable d'engendrer des flopées de bâtards, qui lui sert de façade sans que sa noblesse n'en soit entachée...
 Molière auteur ? Ce va-nu-pieds qui couchait avec des actrices italiennes, mécréantes et qui ridiculisa le jeu d'acteur avec des pantomimes muettes, vous voulez nous faire croire qu'il aurait écrit des dialogues drôles, fins, éclatants de répartie ? Que nenni ! Cet improbable comédien donna son nom au grand Corneille qui, dans sa mansuétude le fit profiter de sa plume et de la grandeur de ses alexandrins ! Bientôt, vous verrez, ce sera Racine, (et son humour légendaire).
 De tout temps, des hommes ont dénié aux hommes du peuple le droit au génie, l'accès au langage, à sa maîtrise, à la puissance de suggérer la terreur ou le rire. Il est insupportable que des hommes du peuple puissent donner des leçons de sagesse à des puissants dont la noblesse, la puissance justement, est historiquement liée au pouvoir des armes, le noble est un officier militaire du roi, il jouit de pouvoir militaire et du monopole de la violence, de là à dire qu'il est intelligent, subtil et raffiné, il n'y a qu'un pas que les grandes « Voix de son maître » n'hésitent pas à franchir !
 Les seuls escroqueries littéraires connues, et c'est là tout leur sel, tient à cela qu'elles ont été RÉVÉLÉES par les auteurs eux-mêmes, tel Romain Gary se dévoilant sous le masque d'Emile Ajar, ou Orson Welles annonçant l'invasion des extraterrestres à la radio, histoire de se moquer de leurs contemporains et parce que le besoin de rire du ridicule l'emportait sur l'idée de mystifier. La mystification n'a de saveur que par son aveu.
D'une nature plus révélatrice est l'histoire du Requiem de Mozart. Le fameux homme en noir qui lui passe commande d'une messe des morts est le régisseur du comte de Walsegg. Ce même comte Walsegg organisa la première représentation du requiem, en se contentant d'écrire son nom sur la partition en tant qu'auteur... et expliquant, des larmes dans la voix, que son chagrin, à la mort de son épouse, lui avait inspiré une musique... sublime, non ?
 L'application du beau principe du rasoir d'Ockham, à savoir, entre deux propositions aboutissant au même résultat, préférer la plus simple comme étant la plus raisonnable, la raison ayant horreur de la complication et des entités inutiles, ne laisse pas place au doute. L'intrus, c'est le complot et l'énergie formidable qu'il faudrait pour le rendre crédible : les comploteurs auraient besoin d'une énergie inhumaine pour faire croire à leur création.... Secundo, ces accusations de mise en scène, de création d'un personnage imaginaire, sont ridicules parce que tout le monde court après la gloire et la renommée. Tertio, ces scénarios torturés sont surtout révélateurs de la mentalité de leurs concepteurs : tordue, torturée, souffrante, amère d'un manque de reconnaissance, désireuse de se venger sur autrui de ce qui leur manque... toute la misère humaine et sa vanité résumée dans leur thèse souffreteuse.
  Et si, justement, ce n'était pas là la certitude que le talent des uns insupporte moins les maîtres que leurs serviteurs. Le talent ne se transmet pas par héritage, comme la noblesse ou l'argent. Le talent plante ses graines là où on ne l'attend pas. Il n'a pas  besoin de flatter pour être brillant, il n'a besoin de gagner son pain, il aime croquer le ridicule et il vieillit si bien...

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