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jeudi 21 février 2013

Sauve-toi, la vie t'appelle (Boris Cyrulnik)

J'extrais ce passage du dernier livre de Boris Cyrulnik
La maturité précoce n'est pas un signe de bon développement ; c'est plutôt une preuve de gravité anormale pour un enfant. Les adultes se trompent quand ils croient que l'enfant a mûri trop vite. Ce n'est pas de l'expérience, c'est une perte de vitalité. Sous le coup du trauma, les enfants s'éteignent et les adultes admirent leur « maturité ». Vous pensez bien qu'il s'agit d'un contresens. L'enfant accablé ne joue pas et cherche à donner une forme verbale à son abattement...
 Cette maturité précoce des enfants blessés par une maladie grave, par un malheur familial, par un effondrement social, stimule des capacités intellectuelles inhabituelles chez un enfant. Cette performance témoigne de leur accablement.
 Dans ce engourdissement psychique persistent deux braises de résilience sur lesquelles le milieu peut souffler pour faire revenir la flamme : comprendre et rêver.
*
 Quand l'existence est douloureuse, quand le contexte est dangereux, tant que la vie psychique n'est pas complètement éteinte, l'intellectualisation parvient encore à construire un monde abstrait qui aide à lutter contre la tristesse. Tant qu'on cherche à comprendre, on ressent du plaisir. Mais un enfant généralise trop vite, il n'a pas encore assez vécu pour connaître la nuance.
 Un trauma qui isole un enfant durablement use son âme, l'attachement s'éteint. Le chaos des événements, le manque de stabilité affective, la déchirure répétée des placements successifs anesthésient l'affectivité, ce qui permet de moins souffrir. Tant que le plaisir de comprendre persiste, cette braise de résilience attend que quelqu'un veuille bien souffler dessus afin de faire revenir la chaleur de l'existence.
 L'autre braise est constituée par une frénésie de rêves. Dans un réel décourageant où l'on peine à trouver son chemin, on se réfugie dans une rêverie diurne excessive. Quand le réel est amer, on se paye des rêves sucrés.
 Pendant longtemps, j'ai cru que la jouissance du rêve empêchait d'affronter le réel. Aujourd'hui, je pense que ce refuge dans la rêverie offre un substitut de modèle de bonheur, le rêve corrige ce monde intolérable et invente un roman qui met en scène un idéal à réaliser... [pages 217 à 219]
Passage qui appelle à réfléchir. C'est un livre dont je recommande la lecture, où Boris Cyrulnik confronte son enfance, sa survie miraculeuse aux rafles antisémites, sa réflexion sur la résilience et la façon dont celle-ci s'est opérée dans son histoire individuelle... A la fois passionnant et riche d'une réflexion pointue sur la construction de l'être...


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