Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
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Leurs yeux sont morts et les lèvres sont molles,
Et l'on entend à peine leurs paroles.
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Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.
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— Te souvient-il de notre extase ancienne ?
— Pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ?
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— Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non.
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— Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches ! — C'est possible.
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— Qu'il était bleu, le ciel, et grand l'espoir !
— L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
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Tels ils marchaient dans les avoines folles
Pour moi, ce poème est le premier, celui qui me dit que la poésie est une chose extraordinaire car elle est capable de dire en très peu de mots, la mélancolie, une vie gâchée à la rater, et la découverte qu'on n'a pas su aimer quand on le pouvait, ou qu'on n'a pas été aimé au moment où c'était possible, c'est Louis Jouvet, dans « Carnet de bal » (Julien Duvivier). J'avais quelque chose comme dix ou douze ans, et c'était une émission de classiques en Noir-et-Blanc, diffusés en première partie de soirée, intitulée : Au cinéma, ce soir. Je me souviens d'avoir été comme soulevé de ma chaise en entendant Louis Jouvet rappeler à son amour de jeunesse les mots qui étaient leur code secret d'amour... tandis que la police vient l'arrêter, mais il revit son poème d'amour jusqu'au bout, conscient que là gît l'importance du moment :
Le lendemain, mes parents m'ont remis le livre de poèmes de Verlaine, dont je venais d'apprendre le nom, un vieux livre tiré de leur bibliothèque, tout rapé, tout usé, avec des scotchs déjà hors d'âge, que j'ai gardé comme un trésor et qui ne m'a plus jamais quitté depuis, je crois que c'est mon tout premier livre.
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