Monsieur K. n'aimait pas les chats. Ils ne lui semblaient pas être amis des hommes ; il n'était donc pas non plus leur ami. « Si nos intérêts ne différaient pas », disait-il, « leur attitude hostile me serait indifférente. » Mais monsieur K. ne faisait descendre les chats de sa chaise qu'à contrecœur. « Se coucher pour se reposer est un travail, disait-il ; il doit avoir un résultat. » Quand aussi des chats miaulaient devant sa porte, il se levait de son lit, même par le froid, et les faisait entrer au chaud. « Leur calcul est simple » disait-il, «quand ils appellent, on leur ouvre. Quand on ne leur ouvre plus, ils n'appellent plus. Appeler, c'est un progrès. »
Les Histoires de Mr Keuner (Bertold Brecht)
Je cherchais un texte « du dimanche » qui corresponde à mon humeur, celui-là est une merveille : pour être complexe, la pensée de Brecht n'en est pas moins un puissant décapant de l'âme, on devrait lire une pensée de Monsieur Keuner tous les jours ! Et pas (pas seulement) parce qu'il parle des chats...
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