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On le croyait fondateur de la
ville,
Venu des pays clairs et lointains
Vers ceux d’Europe — avec sa
pauvre crosse en main,
Et grand, sous sa bure servile.
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Pour se faire écouter, il parlait
par miracles,
En des clairières d’or, le soir,
dans les forêts,
Où des granits carraient leurs
symboles épais,
Et tonnaient leurs oracles.
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Il était la tristesse et la
douceur
Descendue autrefois, à genoux, du
calvaire,
Vers les hommes et leur misère
Et vers le cœur.
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Il accueillait l’humanité fragile,
Il lui chantait le paradis sans
fin
Et l’endormait dans le rêve divin,
Le front posé sur l’évangile.
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Plus tard, le roi, le juge et le
bourreau
Prirent son verbe et le faussèrent ;
Et les textes autoritaires
Apparurent, tels des glaives hors
du fourreau.
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Contre la paix qu’il avait
inclinée
Vers tous, de son geste clément,
La vie, avec des cris et des
sursauts déments,
Brusque et rouge, fut dégaînée.
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Mais lui resta le clair apôtre et
le soleil
Tiédi, aux yeux de tous, de
patience et d’indulgence
Et la pieuse et populaire
intelligence
Venait puiser en lui la force et
le conseil.
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On l’invoquait pour les fièvres et
pour les peines,
On le fêtait en mai, au soir
tombant,
Et des mères apportaient leurs
enfants
Baigner leurs maux dans l’eau de
sa fontaine.
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Son nom large et sonore d’amour
Marquait la fin des longues
litanies
Et des complaintes infinies
Que l’on chantait, depuis
toujours.
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Il se définissait, près d’un
portail roman,
En une image usée et tremblotante,
Qui écoutait, dans la poitrine
Haletante des tours,
Les
bourdons lourds clamer au firmament.
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Emile Verhaeren (Les Villes tentaculaires, 1895)
Aujourd'hui, faisons place à un poète belge, Anversois, un flamand d'expression française, Emile Verhaeren qui donne à écouter son chant grave et musical. Poète libertaire qui fit scandale dans ses Flandres natales, au point qu'une anecdote raconte que ses parents et le curé de son village tentèrent d'acheter son premier recueil afin de le détruire.
Débarrassé de la tentation nationale, et de la soumission à des maîtres étouffants, il développa dans ses vers une vision créatrice appelant de ses vœux les « Temps nouveaux », dont ce poème issu de son recueil : Les villes tentaculaires. des œuvres qui le finirent connaître hors de Belgique... Ici, une photo avec son épouse, la peintre Marthe Massin, qu'il épousa en 1891...
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