Goggle Analytics

dimanche 20 mars 2016

« Toi et moi » Paul Géraldy

Deux poèmes d'un grand oublié aujourd'hui, Paul Géraldy vous dit-il quelque chose ?
                -
NERFS
                -
Non ! Ne t'enfuis ! Ce geste
de te repousser de moi,
cette rigueur, cette voix,
ce mot brutal, — reste ! reste ! —
ne s'adressaient pas à toi.
                -
Je ne gronde et vitupère
que contre mon propre ennui.
C'est sur toi qu'en mots sévères
se délivrent mes colères,
mais c'est moi que je poursuis.
                -
T'en vouloir ? De quoi ? Je pense
à ton cœur sans récompense.
Je le voudrais rendre heureux.
C'est de mon insuffisance,
pauvrette, que je t'en veux.
                -
Ris-toi donc du méchant geste
et pardonne aux mots mauvais. 
Et ne sois plus triste. Et reste...
En toi ce que je déteste
c'est le mal que je te fais.
                -
Je suis tombé au Marché aux Livres en arrêt devant ce recueil de Paul GÉRALDY, « Toi et moi », joliment relié, un tout petit recueil et j'entends la voix... de mes parents, je crois, plus probablement de ma mère en train de dire en riant : « Baisse un peu l'abat-jour » à moins qu'elle n'ait cité un autre poème ou le recueil, «Toi et moi » qui est une expression que ma mémoire reconnaît comme une chose recouverte de poussière et quasi impalpable. Paul Géraldy est né en 1885 et est mort en 1983. C'est un poète des choses fugaces, de l'amour, des amoureux qui se disputent, infiniment gracieux, une poésie que les rouleaux compresseurs de l'Histoire ont su réduire à rien. L'Histoire a surtout retenu les poètes issus des années trente, Surréalistes etc, poètes engagés, poètes de la liberté, poètes libertaires, des combattants dont la parole et l'ombre ont grandi contre le Nazisme et qui ont malgré eux occulté les poètes des choses gracieuses et sans importance, pourtant la poésie sert aussi au fugace, à l'insouciance et à « L'heure des yeux et du sourire, où l'on voit beaucoup mieux les yeux quand on voit un peu moins les choses... », vers que j'ai extraits d'un de ses poèmes les plus célèbres à l'époque :
-
L'ABAT-JOUR
                             -
Tu demandes pourquoi je reste sans rien dire ?
C'est que voici le grand moment,
l'heure des yeux et du sourire,
le soir, et que ce soir, je t'aime infiniment !
Serre-moi contre toi. J'ai besoin de caresses.
Si tu savais tout ce qui monte en moi, ce soir,
d'ambition, d'orgueil, de désir, de tendresse, 
et de bonté !... Mais non, tu ne peux pas savoir !...
Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux.
C'est dans l'ombre que les cœurs causent,
et l'on voit beaucoup mieux les yeux
quand on voit un peu moins les choses.
Ce soir je t'aime trop pour te parler d'amour.
Serre-moi contre ta poitrine ! 
Je voudrais que ce soit mon tour
d'être celui que l'on câline...
Baisse encore un peu l'abat-jour.
Là. Ne parlons plus. Soyons sages.
Et ne bougeons pas. C'est si bon
tes mains tièdes sur mon visage !...
Mais qu'est-ce encore ? Que nous veut-on ?
Ah ! C'est le café qu'on apporte !
Eh bien, posez ça là, voyons !
Faites vite !... Et fermez la porte !
Qu'est-ce que je te disais donc ?
Nous prenons ce café... maintenant ? Tu préfères ?
C'est vrai : toi, tu l'aimes très chaud.
Veux-tu que je te serve ? Attends ! Laisse-moi faire.
Il est fort, aujourd'hui ! Du sucre ? Un seul morceau ?
C'est assez ? Veux-tu que je goûte ?
Là ! Voici votre tasse, amour...
Mais qu'il fait sombre ! On n'y voit goutte...
Lève donc un peu l'abat-jour.

3 commentaires:

lrd a dit…

j'ai 86 ans et j'ai de la peine à penser que l'amour , gai ou triste, que chante Geraldy même si je n'admire pas tout, est comme l'écrit l'auteur de ce texte , une "chose gracieuse et sans importance". Vous êtes bien à plaindre!

Bernard HENNINGER a dit…

Bonsoir,
Ne prenez pas la mouche en ôtant une phrase de son contexte. Oui, les disputes sont sans importance en regard de l'amour, oui, les évènements du quotidien sont le sel de la vie, pensez à cette servante chez Mozart qui pousse un chant déchirant... parce qu'elle s'est piquée un doigt avefc une aiguille à couture. Ça n'enlève rien à la beauté... mais on peut en goûter l'ironie, on peut donner une importance démesurée à une chose qu'avec le recul on trouvera dérisoire.
Ici, je comparais ces doux poèmes à ceux qui luttèrent en poésie contre le nazisme... avec le recul, ça n'a pas la même allure.
Bernard Henninger (= Soufflereve)

lrd a dit…

À Bernard
Mais qui, comme Aragon, notre grand poète (peut-être le plus grand du milieu du 20émé) écrivit une "ode à la Guépéou" qui avait évidemment beaucoup d'allure !!
Pardonnez-moi, j'aime taquiner et je ne suis pas totalement en désaccord avec vous; Ce que je conteste c'est votre mise au second plan de l'amour et la supériorité ,que vous semblez accorder au politique.Quant à l'épreuve du temps, les rondeaux de Charles d'Orléans restent toujours aussi frais et poétiques, comme les sonnets de louise Labbé et les meilleurs de Ronsard, et le "Quadrilogue invectif" de Chartier n'est plus guère qu'un document historique (au demeurant tout à fait intéressant) et n'est pas aujourd'hui vu comme le grand poème qu'il fut en son temps, Il en est de même pour les poèmes politiques de d'Aubigné ou de Hugo etc
Bien à vous et sans rancune.
LRD