Fin 2014, à la brocante des boulevards, à Orléans,
il pleuvait, et au fond d'une bâche plastique, j'ai trouvé un volume
dépenaillé, mais avec de belles gravures et le nom de Jules Verne qui m'a attiré
l'œil. Vu l'état du livre, je l'ai acheté pour un prix dérisoire : il
avait attisé ma curiosité et je l'ai confié à un relieur qui me l’a remis en
forme. Pour comprendre ce que j'avais trouvé, il a fallu chercher : Magasin
d'éducation et de récréation, qu'est-ce que c'était que ce titre ? Je viens de vérifier : Magazine est un anglicisme qui s'est imposé,
mais au XIXème siècle, en français, on disait plutôt Magasin.
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La revue était éditée en fascicules édités
deux fois par mois, douze par semestre. On y trouve un roman en feuilleton, des
rubriques, des petites histoires illustrées de gravures. Pour les besoins de sa
revue, Hetzel
proposa à Jules Verne un contrat en 1863, le contrat liait les deux hommes pour
les vingt années à venir… et il dura bien après le décès d’Hetzel jusqu’à la disparition
de Jules Verne en 1905.
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Ponctuel, Jules Verne livra ses romans de 1864
à 1905, tous publiés dans le Magasin, à quelques exceptions près, comme les Indes Noires.
Pour les principaux romans de Jules Verne, le Magasin d'éducation et de récréation constitue donc l’EO : l’édition
originale.
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Les
fascicules étaient paginés en continu. Tous les six mois, l'éditeur les publiait
en livre, qui regroupait les douze numéros du semestre (qui bénéficiaient le
plus souvent par la suite, d’une reliure artisanale) ainsi qu’une version
reliée par l’éditeur : toile couleur lavande-violet, avec un tampon doré
au centre.
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Je viens de faire l'acquisition du volume LX (60),
correspondant au second semestre de 1894, qui comprend des aventures comme
celles de « Petit Jack,
histoire d'un éléphant », des rubriques scientifiques signées Jean Macé, qui
expliquent la distance entre les étoiles, et l'organisation du cosmos...
Le but des ouvrages
vise à l'éducation des enfants, par des fictions, et des rubriques de
vulgarisation scientifique. Il s'agit d'ouvrir l'esprit au monde : découverte
de la géographie, des sciences, et même notions philosophiques et morales.
Les voyages étaient rares à l'époque, et la
Science-Fiction puise en partie son origine dans ces récits de voyage
initiatiques, de découverte de contrées, de peuples et de cultures exotiques, qu'elles
soient américaines, russes, africaines ou asiatiques, et cet aspect est
certainement premier dans l’œuvre de Jules Verne.
La découverte des technologies et sciences tient
une place devenue de plus en plus importante dans les fictions : elle s’incarne
dans les récits, et Jules Verne les met au premier plan de ses romans, mais
elles sont développées également dans des rubriques de vulgarisation, confiées
à des spécialistes, on y trouve à propos d’architecture, par ex, la signature
de Viollet-le-Duc. A partir des années 1870, la revue publie également d’autres
auteurs : André Laurie, Lucien Biart, Henry Rider Haggard (She)…
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L'article de Wikipedia est assez critique sur
la revue, mais il me semble qu'il faudrait juger la revue, non comme un OVNI
isolé de tout contexte, mais plutôt comme le sommet de l'arbre éditorial, sa
racine, dont sont sortis tous les albums Hetzel si recherchés par les collectionneurs.
D’autre part, l’article méconnaît la fonction de la fiction comme vecteur d’apprentissage
et de compréhension du monde.
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Dans la presse, les feuilletons populaires de l'époque
sont caractérisés par des noirs profonds, des traits épais, un manque de
détails dans l'image dû à la grossièreté du dessin et des compositions
romantiques surchargées et larmoyantes. À l’inverse, le Magasin se distingue par le nombre de ses
illustrations, de ses illustrateurs et par leurs qualités : usage d’un trait d’une
grande finesse, grandes gammes de gris, compositions épurées, avec des plages
claires, on est au plus près de la photo et de l'Impressionnisme.
La majorité des dessins comportent des blancs,
des gris légers au plus profonds, la qualité des gravures donne toute sa saveur
au Magasin, et je me demande si
l'existence de la revue n'est pas due au fait que la création des gravures nécessitait
quinze jours et conditionnait le rythme de parution.
Lors des rééditions ultérieures des albums,
les dessins parus dans la revue étaient réunis dans l'album. J'ai
reproduit ci-dessous quelques dessins tiré des « Mirifiques aventures de Maître
Antifer », l'un est pleine
page, et il me fait penser à ces grands dessins pleine page comme on en trouvera,
bien plus tard, dans le Crabe aux pinces
d'or d'Hergé, et les deux autres sont des vignettes d'une dizaine de
centimètres de haut, précises comme des photographies et empreinte d'un
inlassable charme... (Dessinateur des Mirifiques aventures de maître Antifer : George Roux)
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