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Tu voulais à toi toutes les couleurs ?
Le lion en train de dessiner
d'un coup de griffe tira du plumier
une demi-douzaine de crayons.
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Pays aux teintes incendiaires,
aux plaines mortes de potier
ton univers d'argile et de pierre
subit la rousse barbe de sardars.
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Et loin des ancres et des tridents
où racorni dort le continent
tu connus tous les joyeux drilles
comme de seigneurs la vindicte.
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Terre où, sans me tourner la tête,
simples comme un dessin d'enfant
les femmes prodiguent, généreuses,
de léonines beautés en passant.
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Combien m'est chère ta langue funeste
— juvéniles sépultures —
aux lettres en tenailles de forge
où les mots d'étriers se ferrent...
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4
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Lèvres emmaillotées comme une rose humide,
portant les rayons de miel alvéolés,
aux confins du monde dès l'aube des jours
tu étais debout, ravalant tes larmes.
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Puis des cités de l'Orient barbu
tu t'es détournée, triste et honteuse,
et tu gis ici sur un lit de couleurs
où l'on te coule un masque mortuaire.
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5
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Enveloppe la main dans un mouchoir
et dans l'églantier couronné
au cœur du buisson d'épines en celluloïd,
plonge-la hardi,
— que ça craque ! La rose, nous l'aurons sans ciseaux.
Mais veille à ce que d'un coup elle ne déflore...
nécrose de rose... mousseline... pétale de Salomon
inutile drageon même pour le cherbet
et qui ne donne essence ni arôme.
Poète et essayiste Russe, Ossip Mandelstam est un des poètes russes de la Révolution et dont l'œuvre a été censurée longtemps après sa mort. Suspecté d'être moins favorable au régime, il s'exile en 1930 en Arménie où il écrit ses derniers poèmes. En 1934, il publie une épigramme hostile à Staline, ce qui lui vaut d'être arrêté, et déporté. Soumis à de mauvais traitements, il décède avant d'arriver en camp, près de Vladivostok où son corps est jeté dans une fosse. Il ne sera réhabilité que par étapes, en 1956, dans les années 70 et encore aujourd'hui, où ses derniers poèmes, traduits par Christiane PIGHETTI, viennent d'être édités en français :
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