-
En t'écrivant ces mot j'frémis
Par tout mon être,
Quand tu les liras, j'aurais mis
L'nez à la f'nêtre ;
J'suis réveillé depuis minuit,
Ma pauv' Toinette,
J'entends comme eune espèc' de bruit,
À la Roquette.
-
L'Président n'aura pas voulu
Signer ma grâce,
Sans dout' que ça y aura déplu
Que j'me la casse ;
Si l'on graciait à chaqu' coup
Ça s'rait trop chouette,
D'temps en temps faut qu'on coupe un cou,
À la Roquette.
-
Là-haut, l'soleil blanchit les cieux,
La nuit s'achève,
I's vont arriver ces messieurs,
V'là le jour qui s'lève.
Maint'nant j'entends, distinctement,
L'peupe, en goguette,
Qui chant' su' l'air de « L'enterr'ment »,
À la Roquette.
-
Tout ça, vois-tu, ça n'me fait rien,
C'qui m'paralyse
C'est qu'i' faut qu'on coupe, avant l'mien,
L'col de ma ch'mise ;
En pensant au froid des ciseaux,
À la toilette,
J'ai peur d'avoir froid dans les os,
À la Roquette.
-
Aussi, j'vais m'raidir pour marcher,
Sans qu'ça m'émeuve,
C'est pas moi que j'voudrais flancher
Devant la veuve ;
J'veux pas qu'on dis' que j'ai eu l'trac
De la lunette,
Avant d'éternuer dans l'sac
À la Roquette.
ARISTIDE BRUANT (1851-1825)
Il était natif du Loiret, Courtenay, me dit sa fiche, on a oublié peut-être aujourd'hui que la « Veuve » n'était pas très accorte et que la « Roquette », on y était arrivé dans un panier à salade... Les causes des progrès sociaux sont si vite oubliés... je me souviens que j'étais adolescent quand le président Pompidou leur a refusé la grâce et que Claude Buffet et Roger Bontems furent guillotinés un 28 novembre 1972, il y a quarante-six ans. Les présidents ne sont pas des gens de grâce.
Et si je vous en parle, c'est par le bonheur d'un livre trouvé dans un lot...
-
© Aristide Bruant |
-
-
-
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire