Elle s’appelle « Prrou », — en roulant les r,
s’il vous plaît. C’est elle qui nous a dit son nom. Elle le roucoule toute la
journée, autour du chaton noir qu’on lui a laissé : « Prrou, prrou... »
Elle vit en
Bretagne, sur la terrasse chaude, au bord du pré qui descend à la plage. Son
domaine, qu’elle a borné elle-même, va du perron à la haie de troènes en fleurs
qui masque le mur de briques. Elle ne dépasse pas les grands tilleuls qui
versent l’ombre sur ma maison de pierre rousse. Sait-elle qu’au bas de la
terrasse une mer changeante, bleue et verte au soleil, violacée sous l’orage,
mauve au lever du jour, s’agite sans repose ? J’en doute.
-
La Prrou en robe
modeste, à qui on ne demande rien, s’entête à nous donner l’exemple des plus
grises vertus : elle est propre, douce, humble, elle élève dignement son
fils unique. Elle fait mieux : elle nous roule. Elle demeure, avec un tact exquis et une roublardise jamais
en défaut, « celle qui a été si malheureuse ». Grasse et ronde,
elle a gardé son regard de chat maigre, et la cuisinière l’appelle
« pauvre créature ».
-
Elle dort sur un coussin douillet, mais dans
la pose frileuse des couche-dehors. Elle s’efface pour nous laisser
passer ; aussi reculons-nous, le cœur fendu de pitié, en la suppliant de
ne se déranger point ! Il arrive qu’on lui marche un peu sur la patte, sur
le bout de la queue, elle pousse un cri rauque, bref, et ronronne stoïquement,
avec des yeux de martyre, pendant que nous nous lamentons.
— Pauvre bête ! Il lui fallait
encore ça, à elle qui a été si
malheureuse !
-
Un bouchon se balance au gré du vent...
(la suite...)
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