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dimanche 3 septembre 2017

Le Merle in La classe du brevet (Michel Jeury)

      À la nature il se confie,
     Car son instinct pressent la loi.
     Qui rit de ta philosophie,
     Beau merle, est moins sage que toi !
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De qui est ce poème ? De Théophile Gautier. Où l'ai-je trouvé ? La réponse est l'objet de ce billet... Il y a deux ans, de passage chez mon frère et ma belle-sœur, j'ai trouvé dans leur bibliothèque, La Source au trésor un de ces romans de Michel Jeury qu'on qualifie de Paysans avec un dédain, évident pour certains, et qui s'est révélé être une merveille de sensibilité. 
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 Dans la même veine, j'ai déniché à la brocante aux Livres d'Orléans, La Classe du brevet, et là, même si le roman évoque un petit paysan préparant son brevet, et toute une série d'anecdotes savoureuses, je découvre une évocation discrète de sa vie, de son goût pour la poésie, comme en témoigne ce quatrain de Théophile Gautier cité en tête de cet article, ou, plus loin, la citation du premier quatrain d'un poème de Baudelaire :
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        Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre,
        Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
        Est fait pour inspirer au poète un amour
        Éternel et muet ainsi que la matière. 
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... et tout ce qui a fait qu'un enfant de paysan est devenu un des plus grands écrivains de science-fiction de sa génération. Je l'avais rencontré à la convention de Science-Fiction de Nyons en 2008, et j'avais été frappé par sa bonhomie, son humour et sa grande modestie...
 Pour revenir à La Classe du Brevet, le roman, formé de chapitres courts, qui semblent baguenauder tout en tissant une trame serrée, égrène les références poétiques d'un petit paysan et, au travers de son parcours scolaire, de la découverte de la puissance évocative de la poésie. Lisez, lisez La Classe du Brevet !
P.S. : en bonus, je vous retranscris in extenso « Le Merle » de Théophile Gautier que Michel Jeury cite à plusieurs reprises, et dont la vie est évoquée.
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     Un oiseau siffle dans les branches
     Et sautille gai, plein d'espoir,
     Sur les herbes, de givre blanches,
     En bottes jaunes, en frac noir.

     C'est un merle, chanteur crédule,
     Ignorant du calendrier,
     Qui rêve soleil, et module
     L'hymne d'avril en février.
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     Pourtant il vente, il pleut à verse ;
     L'Arve jaunit le Rhône bleu,
     Et le salon, tendu de perse,
     Tient tous ses hôtes près du feu.
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     Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
     Comme des magistrats siégeant.
     Leur blanc tribunal examine
     Un cas d'hiver se prolongeant.
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     Lustrant son aile qu'il essuie,
     L'oiseau persiste en sa chanson,
     Malgré neige, brouillard et pluie,
     Il croit à la jeune saison.
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     Il gronde l'aube paresseuse
     De rester au lit si longtemps
     Et, gourmandant la fleur frileuse,
     Met en demeure le printemps.
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     Il voit le jour derrière l'ombre,
     Tel un croyant, dans le saint lieu,
     L'autel désert, sous la nef sombre,
     Avec sa foi voit toujours Dieu.
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     À la nature il se confie,
     Car son instinct pressent la loi.
     Qui rit de ta philosophie,
     Beau merle, est moins sage que toi !

Théophile Gautier (1811-1872)

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