-
En août, dans nos pays, un peu avant le soir, une puissante chaleur embrase les champs. Il n'y a rien de mieux à faire que de rester chez soi, au fond de la pénombre, en attendant l'heure du dîner. Ces métairies que tourmentent les vents d'hiver et que l'été accable, ont été bâties en refuges et, sous leurs murailles massives, on s'abrite tant bien que mal de la fureur des saisons.
Depuis dix ans j'habite le mas Théotime. Je le tiens d'un grand-oncle qui portait ce nom. Comme il est situé en pleine campagne, la chaleur l'enveloppe et, du moment que Juillet monte, on n'y peut respirer avec plaisir qu'aux premières heures du jour ou bien la nuit. Encore faut-il qu'il passe un peu de brise. Alors on peut se tenir près de la source, sous le buis, car c'est là qu'on rencontre un air doux, qui sent l'eau vive et la feuille.
J'étais seul et je jouissais de cette solitude qu'exaltait la chaleur environnante.
Tous les volets mi-clos, dans la maison, il faisait assez frais. À peine si parfois on entendait le frémissement d'une mouche enivrée par un rais de lumière qui filtrait d'une fente.
Dehors l'air flambait en colonnes de feu et, du côté de l'air, entre les meules, montait une odeur de blé et de fournaise. La chaux dont on avait badigeonné le sol battu rayonnait contre le mur bas de la bergerie abandonnée où fermentait la paille chaude.
-
Je ne lis pas que de la science-fiction, et j'ai aimé — très jeune — un auteur très honoré dans les années 60 (l'ORTF avait adapté « L'âne-culotte » et « L'enfant et la rivière »), un peu oublié aujourd'hui, et que mes parents adoraient, Henri Bosco. À dix-huit ans, j'ai lu le Mas Théotime dans la fièvre de cette prose à la fois mystique et poétique...
Il y a quelques années, j'ai trouvé, par hasard, le numéro 2 de la revue l'Arche, publiée dans la fièvre de la Libération à venir, à Alger, par le grand éditeur Algérois, Charlot :
-
-
Et j'ai découvert que le Mas Théotime y avait été publié en feuilleton, et la fiction se teinte soudain de l'époque brûlante où elle fut écrite... L'Arche étant en quelque sorte une des premières briques littéraires de la reconstruction de la France à la Libération, et pour lequel Henri Bosco reçut en 1945 le prix Renaudot. Alors, hier, quand j'ai trouvé l'édition originale par Charlot, j'ai eu comme un frisson.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire